Histoires

Écrire malgré le feu de l’arthrite : Ann-Marie MacDonald et Fayne

Écrire malgré le feu de l’arthrite : Ann-Marie MacDonald et Fayne

Les écrivains savent généralement comment leurs livres vont se terminer. Mais au moment où Ann-Marie MacDonald, auteure et dramaturge canadienne primée, terminait la première version de son dernier roman, Fayne (disponible en anglais seulement), elle a été emportée sa propre histoire.

La polyarthrite rhumatoïde s'est immiscée dans sa vie trépidante, l'obligeant à modifier radicalement sa façon de travailler et la poussant à chercher des réponses.

Tout comme son personnage Charlotte dans Fayne, Mme MacDonald a dû résoudre un mystère douloureux. Nous ne dévoilerons pas les secrets de Fayne, mais voici une version éditée de notre conversation avec son auteure. Laissez-vous inspirer par ce que Mme MacDonald a appris sur la vie depuis qu'elle est atteinte de sa maladie.

Que représente l'histoire de Fayne pour vous, en tant qu'écrivaine?

Il s'agit d'une histoire sur la quête d'identité et la quête de vérité. C'est aussi la lutte pour être en mesure d'affronter la vérité avec tout le courage que cela demande et d'en ressortir avec amour – ce qui est différent d'une vision de l'amour avec « des lunettes roses ».

Fayne se déroule à la fin du 19e siècle, sur la frontière marécageuse entre l'Écosse et l'Angleterre. Qu'est-ce qui vous a attiré dans cette période et cet environnement?

Jane Eyre [de la romancière anglaise du milieu du 19e siècle Charlotte Brontë] a bouleversé mon univers. J'avais 10 ou 11 ans quand j'ai lu ce roman pour la toute première fois. J'aime l'emploi de la forme narrative, j'aime le mystère, j'aime la voix et le pouvoir provenant de la terre elle-même, le fait que nous sommes en relation avec la terre. La terre a une voix et elle est à la fois magique, scientifique et spirituelle. L'interconnectivité, la quête d'identité sont donc très présentes dans le style d'écriture qu'est la fiction gothique victorienne. Je sais que lorsque je vois un manoir en ruine situé sur un terrain marécageux isolé, des secrets s'y trouvent. Je sais que tout n'est pas ce qu'il semble être.

C'était aussi une époque où les gens étaient atteints de toutes sortes de « maladies » mystérieuses ou connues, dont Charlotte. Qu'est-ce qui vous fascine dans la maladie?

Lorsque j'ai traversé le pire de mon expérience avec la polyarthrite rhumatoïde séronégative et que j'écrivais le personnage de Clarissa [la tante de Charlotte, qui semble être atteinte d'une maladie], je me suis dit : « Wow, j'ai toujours été fascinée par la douleur, je souffre de douleur chronique et tout cela est radicalement nouveau ». Puis j'ai réalisé que ce n'était pas nouveau pour moi. Enfant, j'ai subi de multiples fractures, deux importantes opérations de greffe osseuse et, pendant des années, j'avais une douleur chronique dans mon bras gauche. Cela était dû à des kystes intraosseux. J'ai fini par comprendre et me dire que, pour la énième fois, Ann-Marie, pourrais-tu te rappeler que tu es une vétérante de la douleur chronique? Ta fascination de toute une vie pour la douleur n'est pas simplement extérieure à toi-même. Elle a toujours été là.

Faye, le dernier roman d'Ann-Marie MacDonald - Crédit photo: Lora MacDonald-PalmerComment avez-vous découvert que quelque chose n'allait pas avec votre santé?

En novembre 2018, une série de symptômes – que je ressentais tous depuis des années, mais toujours un à la fois qui finissait par disparaître – se sont tous manifestés d'un seul coup pour ne jamais disparaître. C'est à ce moment que la situation n'a fait qu'empirer et qu'a commencé cette lente cascade, où il semblait qu'aucune partie de mon corps n'était exempte de douleur et, dans certains cas, d'enflure terrible. J'ai eu des éruptions cutanées incroyables et des saignements de nez bizarres. En plus de la douleur articulaire plus conventionnelle, quoique passablement atroce, et de la perte de mobilité, il y avait cette douleur névralgique absolument effarante, qu'aucun analgésique n'arrivait à soulager. Pas une seule parcelle de ma vie quotidienne n'était pas limitée ou touchée. Je ne savais pas quoi faire et je ne savais pas si cela allait éventuellement s'arrêter ou s'améliorer.

En quoi l'arthrite a-t-elle changé votre processus d'écriture?

Dès le départ, j'ai dû tout retarder d'un an parce que je savais que je ne pourrais pas respecter le calendrier. Je devais absolument m'arrêter pendant un petit moment, puis reprendre progressivement le travail et trouver ce que je pouvais faire dans les limites de mes capacités. Je découvre encore des accessoires qui m'étaient inconnus, des bandes de soutien et toutes sortes d'appareils fonctionnels que j'ai dénichés afin de pouvoir passer à travers la journée ou m'asseoir, ce qui était constamment et terriblement douloureux, et trouver une position où je pouvais être suffisamment soutenue, appuyée et positionnée pour pouvoir écrire.

La Société de l'arthrite du Canada parle du « feu de l'arthrite ». Cette description correspond-elle à votre expérience personnelle?

Si vous avez déjà souffert d'enflure aux articulations, vous avez l'impression qu'elles sont en train de bouillir et de se gonfler. Le feu décrit très bien cette sensation : une chaleur incontrôlable. Bien sûr, la douleur névralgique est différente. C'est comme une brûlure causée par de la glace. C'est la chaleur bleue, si froide qu'elle est brûlante.

Comment allez-vous maintenant?

Je n'ai plus de symptômes. Je suis en train de me sevrer lentement d'une faible dose d'un immunosuppresseur que je prends hebdomadairement sous forme de pilule. J'ai une sœur qui a également été atteinte d'une grave maladie auto-immune. Dans son cas, comme dans le mien, la maladie nous a laissé des vulnérabilités, mais nous sommes toutes deux incroyablement reconnaissantes.

En plus de Fayne, vous avez été très occupée par de nombreux autres projets. Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez mentionner aux personnes atteintes d'arthrite à propos de la persévérance face aux défis?

Si vous êtes atteint d'arthrite, cela signifie que vous êtes persévérant. Accordez-vous du mérite pour cette raison. Vous n'avez pas besoin de vous dépasser pour prouver à quel point vous êtes courageux et persévérant. Ce que je ne cesse de me répéter, c'est que je dois diminuer mes attentes. J'avais l'habitude de penser que la discipline consistait à faire tout ce que je pouvais. Aujourd'hui, je comprends que le plus haut niveau de discipline consiste à en faire moins, mais de manière cohérente, et qu'il est tout aussi important de terminer son travail à temps que de le commencer à temps. L'autocompassion et la gentillesse sont pour moi, deux éléments essentiels.